lundi 10 avril 2017

Lettre ouverte de l'association de victimes du terrorisme Life for Paris et de ses partenaires professionnels de l'aide aux victimes aux candidats à l’élection présidentielle 2017







Lettre ouverte de l'association de victimes du terrorisme Life for Paris et de ses partenaires professionnels de l'aide aux victimes aux candidats à l’élection présidentielle 2017

Paris, le 10 avril 2017

Mesdames et Messieurs les candidats à l'élection présidentielle,
En 2015 et 2016, le terrorisme a durement frappé la France, l'Europe et de nombreux citoyens français dans le monde. Ces attentats ont marqué un tournant en matière de terrorisme dans notre pays : la violence est aujourd'hui de grande ampleur et les victimes du terrorisme nombreuses sur le sol français sans oublier les Français à l’étranger.
Aujourd’hui, aucun responsable politique n’est en mesure de garantir que de nouveaux attentats ne se produiront pas. Aussi, l’État doit être prêt à réparer les conséquences causées sur les adultes et les enfants par les attentats passés et malheureusement futurs.
L'un des premiers engagements que vous pouvez prendre aujourd'hui auprès des personnes ayant été victimes le 13 novembre, serait celui de n'oublier aucune souffrance.
Trop souvent, l'ensemble des victimes du 13 novembre est réduit au seul Bataclan, ce qui a pour effet, au quotidien, de mettre de côté de trop nombreuses personnes, de grandes souffrances physiques et psychologiques, qui deviennent un peu plus invisibles chaque jour, renforçant l'isolement et l'incapacité à avancer.
Les victimes des terrasses, du Stade de France, mais aussi de Charlie Hebdo, de l'Hyper Cacher, de Nice, de Bruxelles, de Sousse, de Londres et tant d'autres, tous ces français blessés dans leur chair et leur être ne doivent pas être oubliés par les hommes et femmes politiques qui les représentent en tant que citoyens.
Cette reconstruction de chacun des blessés physiques et psychiques est un travail quotidien qui s'inscrit dans le temps. Un temps long et différent du temps politique, c'est l'histoire de toute une vie à reconstruire qui s'écrit.
Ne pas se préoccuper des victimes aujourd'hui est la garantie de problèmes de santé publique et de difficultés sociales majeures à l'avenir. Les troubles de stress post-traumatique dont souffrent les victimes et leurs familles sont comparables à ceux dont souffrent des militaires revenant du front. Notre association souhaite donc s'assurer que les victimes dans leur diversité, victimes que nous représentons, ne seront pas les oubliées du futur gouvernement français.
Les contraintes budgétaires ne sauraient nous être opposées. Aussi, vous engagez-vous à assurer le financement du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, afin qu’il puisse indemniser tous les préjudices y compris les préjudices d’angoisse de mort et d’attente des victimes directes et indirectes ?
Une victime en souffrance, non reconnue dans son traumatisme et dans l'attention qu'elle nécessite, fragilisera sa santé. Elle risque une incapacité de travail, un chômage de longue durée et une désocialisation importante. Pour les enfants, le risque est que tous les domaines de leur développement soient entravés (affectif, intellectuel, social). La santé physique comme psychologique de nombreuses victimes est encore précaire aujourd’hui.
Pouvez-vous garantir que l’assurance maladie ou les services de santé aux armées prendront en charge à vie les soins liés aux attentats ?
Nous demandons aujourd'hui l'assurance du suivi du travail initié par Madame Juliette Méadel, Secrétaire d'État chargée de l'Aide aux victimes. Elle a pérennisé son action par la création d’un Secrétariat Général à l’Aide aux Victimes dirigé par Christian Gravel. Nous souhaitons continuer avec lui le travail engagé sur le long terme, son budget doit donc être assuré et il doit bénéficier de davantage de moyens.
Par ailleurs, de nombreux dispositifs ont été mobilisés suite aux attentats récents. Garantir l’aide aux victimes passe aussi par le renforcement de ces aides (08 Victimes, CUMP, etc.) à la prise en charge de toutes les victimes.
Enfin, le terrorisme est aujourd’hui une problématique internationale. Nous demandons donc votre soutien sur le travail européen et international qui reste à mener, notamment sur l'harmonisation de la coopération internationale en faveur des victimes via les représentations de l'État à l'étranger. Si le terrorisme n'a aujourd'hui pas de frontières, l'aide aux victimes ne doit pas en avoir non plus. Nous savons que la solidarité internationale reste la meilleure réponse à offrir à ceux qui cherchent à nous diviser.
Une nation qui sait s'occuper de ses victimes est une nation qui n'hypothèque pas l'avenir, et elle participe à la réponse qu’une démocratie doit apporter face au terrorisme. Quels que soient les moyens engagés dans la lutte contre les causes du terrorisme, la France a un devoir d'excellence dans la réparation de ses citoyens touchés.
Nous sollicitons donc votre attention, comme candidats à l’élection présidentielle, sur ces enjeux.
Acceptez-vous d'être le garant du soutien de l'État dans l'accompagnement de ces victimes ?
Quels engagements concrets pouvez-vous prendre pour l’amélioration de l’aide aux victimes ?
Notre avenir et celui de beaucoup de citoyens dépendent désormais de vous.
Très sincèrement,

Les signataires

Life for Paris, Association de victimes des attentats du 13 novembre 2015
France Victimes, Fédération Nationale d'Aide aux Victimes et de Médiation
Pr Florence Askenazy, Université de Nice Sophia Antipolis, Hôpitaux pédiatriques de Nice CHU Lenval
Thierry Baubet, Pr de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent (Univ Paris 13), responsable CUMP 93 (APHP)
Francis Eustache, Directeur d’études à l’EPHE
Dr Lionel Gibert, Chef de clinique à l’Hôpital Paul Brousse, Service d'addictologie
Denis Peschanski, Directeur de recherche au CNRS
Françoise Rudetzki, Membre du Conseil économique social et environnemental (CESE)
Muriel Salmona, Psychiatre, Présidente de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie




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