lundi 16 juillet 2012

Article de l'association Les Murs de Silences : La sexualité en Islam entre cultuel et culturel




La sexualité en Islam
entre cultuel et culturel



Avez-vous remarqué comme c’est souvent au même endroit que l’on peut trouver le meilleur, comme le pire. Qu’y a-t-il de plus beau qu’une relation sexuelle entre deux êtres qui s’aiment et ont décidé de construire ensemble, jusqu'à parfois donner la vie ? Qu’y a-t-il de plus horrible qu’une relation sexuelle dans la violence de l’un pour détruire l’autre, jusqu'à parfois enlever la vie ? Oui, mais nous avons tendance à confondre les deux, le premier est acte d’amour, le second est acte de haine.





Selon l’organisation mondiale de la santé, une vie sexuelle épanouie est indispensable à une bonne santé, aussi bien physique, que psychologique. Les effets d’un viol sur la santé psychologique et physique sont catastrophiques (1).

Chaque année plus de 250 000 mariages sont célébrés en France, soit près de 730 par jour (2). 830 000 enfants naissent par an, soit plus de 2200 par jour. Et 9 personnes sur 10 auront au moins un enfant. En France nous sommes à peu près à un rapport sexuel tous les trois jours, quelque soit le sexe (3). C’est plus de 6 milliards d’orgasmes par an, soit plus de 190 orgasmes à la seconde dans le cadre d’un couple.

Chaque année plus de 75 000 femmes sont violées, en France, et autant d’enfants, et seulement 3% des violeurs sont condamnés (4). Dans l'année qui précède, une femme sur dix a été victime de violence conjugale. Et tous les deux jours et demi une d’entre elles meurt sous les coups de son conjoint. Une femme sur six subit un viol ou une tentative au cours de sa vie. Une femme sur trois est victime d’une agression sexuelle au cours de sa vie (5).

Et nous sommes envahis de préjugés.

Nous avons, d’une part, des préjugés sur le désir sexuel : « l’homme a plus de désir sexuel que la femme ». Comme si la femme n’avait pas, elle aussi, des désirs sexuels. On en oublie le devoir de réciprocité qu’impose l’islam, d’obligation à l’un comme à l’autre de donner de la jouissance à son conjoint. Il faut respecter les désirs et les limites de l’autre. Le Prophète (que la prière et la paix d'Allah soient sur lui) a pris en considération les exigences sexuelles des femmes. Il encouragea leurs maris à assouvir en plus de leur propre désir, le désir de leurs femmes pour qu’elles n’éprouvent pas l’envie, ou le besoin de les assouvir par un autre moyen. Le Prophète (que la prière et la paix d'Allah soient sur lui) dit : « Chaque fois que vous faites œuvre de chair, ceci est équivalent à une aumône. » Les compagnons s’écrièrent : « Ô messager d’Allah ! Comment pouvons-nous assouvir nos besoins sexuels et obtenir par là une récompense ? ». Mohamed (que la prière et la paix d'Allah soient sur lui) répondit : « N’as-tu pas vu la personne qui accomplit l’acte sexuel de façon illicite. Cette personne ne récolterait-elle pas un péché ? De la même façon, celui qui accomplit l’acte sexuel de façon licite obtient une récompense. » (6).

Mais aussi des préjugés sur le mariage : soit nous voyons le mariage comme, comment résoudre à deux les problèmes que l’on n’aurait jamais eu tout seul, soit nous le voyons comme un but, comme si après, il n’y avait plus besoin de chercher à plaire. Ou alors, tout au contraire, le mariage comme un repli sur le couple ou l’un et l’autre ne se quitte plus. Le mariage comme le droit de posséder l’autre. Le mariage comme seule possibilité d’épanouissement.

Ou nous avons encore des préjugés sur la place de la femme en Islam : la place d’une femme est à la maison. Mais les femmes sont bien plus, elles sont la moitié de la société, étudiantes, diplômées, travailleuses, commerçantes, médecins, écrivains, architectes, policières, elles peuvent aussi être engagées et combattantes. Le prophète (que la prière et que la paix d’Allah soit sur lui) a permis aux femmes de sortir lorsqu’elles en avaient besoin, pour aller visiter proches, ou un ami ou encore se rendre à la mosquée. Aicha (que Dieu l’agrée) est d’ailleurs connue pour avoir passé nombres de journées à s’occuper des pauvres et à les aider dans leur quotidien. De plus le prophète était connu pour aider ses femmes dans les taches ménagères. Al-Aswad demanda à Aïcha (qu’Allah l’agrée) : « Comment se comportait le prophète (que la prière et que la paix d’Allah soit sur lui) au sein de sa famille ? » Elle répondit : « Il m’aidait dans les taches ménagères, et lorsque retentissait l’heure de la prière, il allait à la mosquée pour l’accomplir. » (7)

D’autre part, nous avons des préjugés sur le féminisme : certains hommes pensent aussi que le féminisme est un combat des femmes contre les hommes. Mais non, c’est un combat humain contre des criminels, certains féministes connus sont d’ailleurs des hommes, et bien que ce soit un fait méconnu, certaines femmes sont des criminelles sexuelles.

Et que dire des préjugés que nous avons sur les raisons des viols : « Elle avait une tenue indécente ». Mais si l’on compare le nombre de personnes portant des mini-jupes et décolletés plongeants (en supposant que l’on considère cela comme La tenue indécente) en France, au nombre de personnes étant violées pour raison « de tenue indécente appelant au viol », alors statistiquement, il vaut mieux porter une tenue indécente, ces femmes auront moins de chance d'être violée (8). Il y a aussi cette image de cette femme étant agressée, par un inconnu, dans un parking souterrain, par exemple, en oubliant que plus de 80% des viols sont commis par une personne connue de la victime : un proche, un parent, un ami, un conjoint, un collègue de travail… Et 90% des victimes ne portent pas plainte (9).

Devant le sujet de la sexualité beaucoup détournent les yeux comme si c’était un sujet honteux, quelque soit la manière dont on l’aborde.

Lorsqu’il s’agit de problèmes sexuels entre deux personnes consentantes, on n’en parle pas. Comme si le silence aller apporter des solutions. Pourtant nous avons de nombreux témoignage d’hommes et de femmes allant poser des questions au prophète Mohamed (que la prière et que la paix d’Allah soit sur lui) à ce sujet. Et le prophète à toujours pris le temps d’y répondre. Certes, le prophète (que la prière et que la paix d’Allah soit sur lui) ordonna de garder le secret sur la vie intime du couple : « Le jour de la résurrection, parmi les personnes dont la situation sera la plus mauvaise auprès d’Allah, l’homme qui prend plaisir avec sa femme et la femme qui prend plaisir avec lui pour ensuite le divulguer » (10). Rien n’empêche le couple, s’il y a un problème, à aller demander conseil à des personnes compétentes.

En Islam tout est autorisé sauf ce qui est interdit. Alors on nous rabâche l’interdit, et l’on finit par en mettre même là ou il n’y en a pas. On finit par oublier que dans le cadre du mariage c’est une aumône. Nous finissons par laisser croire que savoir se faire et faire du bien est inné. Nous n’ouvrons pas les portes de la connaissance, ni même entrouvrons pour laisser apercevoir le champ des possibles. On nous parle de ce qui est mal, mais on oublie de nous parler de ce qu’il y a de bien, et de comment arriver à faire ce bien. Pourtant ce serait aider à faire ce bien, et par la même faire du bien.

On aimerait nous faire croire qu’en Islam la sexualité est taboue. Hors il n’y a pas de honte en Islam. On confond souvent la tradition islamique avec la tradition chrétienne. On confond aussi le cultuel et le culturel. On finit par croire que les us et coutumes des pays musulmans sont l’islam, alors que bien souvent on trouve des choses contraires à l’islam dans ces dits pays. 

Lorsqu’il s’agit de violence sexuelle, nous nous accordons presque tous pour condamner surtout lorsque c’est rendu public. Encore faut-il que ce soit rendu public car lorsqu’il s’agit d’un musulman, d’autant plus si ce musulman est connu et reconnu dans la communauté, nous nous taisons. L’argument avancé est l’honneur de la communauté musulmane. Ne pas dénoncer pour ne pas faire honte. Ici comme ailleurs, peut être plus qu’ailleurs, nous retournons même la honte sur les victimes au lieu de la placer sur les coupables, les criminels. Il faut éviter le scandale, mais quelle honte d’avoir su et de s’être tu. Rien n’encourage les femmes à dénoncer leur agresseur. Le viol en tant que tel est difficile à prouver et si elles ont le malheur de perdre leur procès, alors elles seront juste considérées comme salies, comme si la valeur d’une femme se résumait au bout de peau qu’elles ont entre les jambes. Nous confondons la virginité avec la piété. Mais si les femmes du prophète (que la prière et que la paix d’Allah soit sur lui) (Que Dieu les agrées) étaient des femmes pieuses, combien d’entre elles étaient vierges lors de leur mariage avec Mohamed (que la prière et que la paix d’Allah soit sur lui) (11) ?

Pourtant Mohamed (que la prière et que la paix d’Allah soit sur lui) avait permis aux femmes de venir porter plainte contre leurs maris. Il avait, aussi, condamné un violeur qui avait avoué et les femmes étaient rentrées chez elles, lavées, et jamais il n’a été question de les condamner. Le prophète (que la prière et que la paix d’Allah soit sur lui) avait aussi dit : « Ne frappez pas vos femmes » (12). 

Le Coran fait mention de pratiques sexuelles violentes, dominatrices, inhumaines pratiquées par le peuple de Sodome et Gomorrhe et c’est bien pour cela qu’ils furent détruits . 

On aimerait nous faire croire que ce type de violence est surtout dans les milieux sociaux défavorisés. Mais l’horreur, l’horreur n’a pas de classe sociale, l’horreur n’a pas de frontière, l’horreur n’a pas de couleur, l’horreur n’a ni dieu, ni maître, l’horreur ne s’embarrasse de tels préjugés (13) ! L’horreur elle existe partout dans le monde, elle se répand juste plus facilement dans les lieux ou les lois protégeant les femmes sont les plus faibles, comme au Maroc qui conserve son fameux article 475. Elle est l’arme la plus communément utilisé dans les pays en guerre, bien avant la kalachnikov, comme en Syrie dans les villages martyrs. Ce type de violence n’est pas spécifique au monde musulman, mais elles existent aussi dans le monde musulman.

Pourquoi parler sur la sexualité ?

Parce qu’à se taire sur le sujet on laisse place à toutes les tergiversations, à tout ceux musulmans ou non qui souhaitent exposer un point de vue éhonté, au mieux erroné sur le sujet. Sur la toile que trouve-t-on ? Le petit bouquin de ni pute ni soumise : « ni violée, ni voilée » d’un côté, et de l’autre des musulmans qui détournent les textes coraniques ou certain hadith pour justifier l’injustifiable.

Il paraît qu’en temps de crise les gens veulent voir de belles choses.

Or Dieu nous a donné la jouissance comme le meilleur des cadeaux. Qu’est-ce qu’il y a de plus beau sur terre que deux êtres qui s’aiment, qui se le disent, et qui construisent.

Il paraît qu’en temps de crise les gens veulent voir de belles choses. Mais il n’y a rien de plus beau qu’un combat pour la justice.

Or ce combat contre les violences envers les femmes je le mène en tant que Française, dont c’est le devoir de dénoncer les crimes et l’impunité dans lequel ils se produisent. Car ce combat contre les violences envers les femmes je le mène en tant que musulmane, dont c’est le devoir de me battre pour la justice.

Car il faut rappeler qu’en parler n’est pas un crime, mais que se taire en est un. Car il faut rappeler qu’il n’y a pas de honte à en parler, mais que c’est un scandale de se taire.


Texte de la présidente de l'association : les Murs de Silences, Paris juillet 2012





2 INSEE (Institut national de la Statistique et des  Etudes Economiques
3 (INSERM) sur « les comportements sexuels en France »
4 Rapport annuel 2009 de l’observatoire national de la délinquance (OND), la criminalité en France
5 Selon l’enquête CSF 2006 Ined/Inserm
6 Rapporté par Mouslim
7 Rapporté par Boukhâry.
8 Rapport annuel 2009 de l’observatoire national de la délinquance (OND), la criminalité en France
9 Rapport annuel 2009 de l’observatoire national de la délinquance (OND), la criminalité en France
10 Rapporté par Mouslim
11 Une seule : Aîcha
12 Selon Dawoûd et Nassâï, et authentifié par Albâny.
13 Selon l’ enquête CSF 2006 Ined/Inserm

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